Economie et
vie active des Etrusques
Comme l’est
d’ailleurs aujourd'hui la Toscane, l'Etrurie était une
région très fertile, toujours désignée
comme "Etruria felix" ; une terre opulente, riche et
généreuse, cultivée avec amour et
ténacité. Pline nous la décrit ainsi : "Le
paysage est très beau. Imaginez un amphithéâtre
immense, que seule la nature peut offrir : une vaste plaine spacieuse,
ceinte de collines et de monts où sur les sommets poussent des
forêts anciennes de grands arbres, où le gibier est
abondant et varié. Depuis les hauteurs, les bois descendent les
pentes ; là les collines ont une terre bonne, parce qu’il est
difficile d’y trouver des roches. Ces terres ne sont pas moins fertiles
que les champs situés dans la plaine [...] À leurs pieds,
s’étendent de tous côtés les vignobles
enchevêtrés de manière à couvrir
uniformément l'espace de long en large ; et à la limite
inférieure, formant presque une barrière,
s’élèvent des bosquets, et encore des terrains arables,
qui ne peuvent pas se labourer sans l'aide de bœufs puissants et de
charrues robustes. Des prairies couvertes de fleurs produisent du
trèfle, et d’autres herbes toujours jeunes et tendres. En
étant irrigués, ces terrains sont des sources
inépuisables ".
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Tombe de la
chasse et de la pêche
Nécropole
de Tarquinia
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Il est
évident que Pline se réfère à l'Etrurie
intérieure, celle des hautes vallées du Tibre et de
l'Arno ; la situation sur la côte était très
différente. Il y avait les marécages de la Maremme et la
malaria y affligeait profondément la vie de l'Etrurie.
Même s’ils affrontèrent avec courage,
ténacité et talent le problème des
marécages et l’hydrographie de la distribution des eaux, avec la
déchéance de la puissance étrusque, les œuvres de
canalisation furent abandonnées, ni entretenues ni
surveillées, et les marécages de la Maremme
dominèrent de nouveau le territoire jusqu'à des temps
récents. Des découvertes archéologiques à
Spina et à Adria - ports utilisés par les
Étrusques - ont mis en lumière des travaux grandioses qui
leur permettaient de réguler le cours compliqué du
Pô. Par la suite, tout fût abandonné.
Sur les temps
de l’âge d'or, nous avons des témoignages que les
Étrusques avaient pour leur terre un grand attachement.
Agriculteurs et colons tenaces, ils portaient une grande affection au
patrimoine agricole. Les Étrusques se divisaient les champs avec
précision, délimités par des frontières
précises, typique de la campagne étrusque qu’ils
aimaient, soignaient et défendaient avec obstination. Ils
produisaient des céréales en suffisance et pouvaient
même en exporter dans les pays voisins ; le blé
était la culture fondamentale, célèbre non
seulement par sa quantité mais aussi pour sa qualité, par
la douceur de sa farine ; Chiusi et Arezzo étaient connues pour
un blé tendre qui permettait la confection d’un pain fin ; alors
que Pise était connue pour sa farine (de blé dur) dont on
faisait la pasta.
Autre gloire
des Étrusques (encore aujourd'hui) : les vins, mais seulement
à partir des 400-300 av J-C. Ils étaient même
connus d'écrivains grecs. Dionigi d'Alicarnasso les exalte,
Martial les compare avec ceux de son Espagne. Alors que d’autres
auteurs se réfèrent au vin blanc (le rouge n'existait pas
encore) précisant que le meilleur de tous était celui qui
était produit à la frontière de la Ligurie,
peut-être la région connue aujourd'hui sous le nom des
Cinque Terre (les Cinq Terres).
Nous ne savons
pas encore si la vigne fut apportée en Toscane - et ensuite
à Rome - par les Étrusques, il semble plutôt qu’ils
l’apprirent de la culture des palafitticoli (pilotis). Ces derniers,
dans les installations des lacs alpins la cultivait déjà
mille ans avant l'arrivée des Étrusques en Toscane (et
connaissaient déjà la distillation) et nous savons que
les palafitticoli vers 1100-1000 av J-C étaient presque
descendus aux frontières de la Toscane, et ensuite à Rome
où la vigne arriva avec beaucoup de retard : vers 600 av J-C.
Elle donnait entre autres un très mauvais vin. C’est seulement
vers 300 av J-C. que des vignobles sélectionnés
produisirent ce qui ensuite deviendra le nectar du Latium "les vins des
Collines d’Albani". En Toscane ensuite, en croisant les vignobles de
malvasia, le canaiolo et la sangiovese (qui est originaire de la
Toscane et pas de la Romagne) ils produisirent un autre nectar : le
célèbre "Chianti".
Par contre,
une spécialité de Tarquinia était la culture du
lin et son tissage ; l'industrie textile semble avoir été
une des activités économiques majeures des
Étrusques, qui sous l'empire d'Auguste tenait la première
place pour la confection de toiles et avant tout celle des voiles.
L'olive
n'était pas encore répandue dans l'Etrurie. Aux temps de
Tarquinio Prisco, l'olive était entièrement inconnue en
Italie. Jusqu'au second siècle av J-C, les étrusques et
ensuite les Latins consommaient de l’huile, mais comme le
témoigne les restes de très nombreuses amphores de
facture grecque, il était directement importés
d'Égée.
Les premiers
colons grecs plantèrent les premiers pieds d'oliviers dans les
Pouilles et près de Gioia Tauro vers 700 av J-C. Il fallut
à l'olivier plusieurs décennies pour croitre et produire
son fruit. Ceci peu expliquer le retard de sa plantation : car il
fallait longtemps avant qu’il ne produise.
Il y avait peu
d’arbres fruitiers non plus. Les légumes et les agrumes
célébrés dans la Rome antique provenaient presque
tous de la Grèce, mais dont les variétés et la
qualité étaient limitées, car les grecs n'avaient
pas beaucoup de contacts avec la Mésopotamie et de la
région de la Caspienne (le soi-disant "Paradis"
néolithique où les plantes ont leur origines). En effet,
pour la variété et la richesse des cultures, l'Italie
devra attendre les Arabes vers 800-1000 après J-C, lorsque leurs
conquêtes arrivèrent jusqu'aux monts Elbruz, sur la
Caspienne, à Samarcanda et aux frontières de la Chine, en
découvrant le "paradis", le "jardin" du Turkmenistan où
se trouvent aujourd'hui toutes les familles des plantes de presque tous
les fruits et légumes que nous connaissons ; y compris les
céréales : soja, riz, grain, maïs, mil.
En ce qui
concerne les outils agricoles, nous en connaissons une vaste
collection, transmise par les tombes. Elles nous montrent avec
clarté la méthode de travail du paysan étrusque,
une série d’outils, de faux et surtout quelques charrues. En
même temps ils paraissent diverger de certaines pratiques de
l’ancienne Mycènes et de la Grèce.
Même
l'élevage du bétail avait une grande importance : non
seulement les animaux servaient au travail des champs, mais ils
étaient même domestiqué pour leur consommation.
Ceux-ci provenaient du nord et du sud. Moutons, chèvres, bœufs,
buffles, cochons, chevaux, lapins originaires de la Caspienne.
L’élevage de ces animaux était fréquent en Thrace
vers 5000-4000 av J-C, et les palafitticoli des lacs (Val Camonica,
Ledro, Garda, Costanza) pratiquaient l'élevage 1000 ans avant
l'arrivée des Étrusques.
Il y avait
deux courants migratoires et deux cultures qui se croisaient
constamment sur les Apennins. A la différence que l’une y
était arrivée en accomplissant un long voyage de 2000
ans, en remontant le Danube et ensuite en descendant les vallées
alpines, alors que l'autre y était arrivée à
l’improviste (mais peut-être en plusieurs vagues) en quelques
semaines de navigation.
La première dans sa longue migration bimillénaire
à travers des zones presque inhabitées n'avait pas
développé sa culture (surtout politico-sociale) ; alors
que la seconde, arrivée mille ans plus tard en Toscane, en
émigrant depuis un endroit où les ferments politiques
autoritaires étaient intenses apportait une
société plus développée et plus complexe.
Même si ensuite les Étrusques "en se fermant" et "en
s'isolant", perdirent le contact avec la "Nouvelle Politique", et
même avec l'écriture, qui entretemps s'était
développée non seulement dans leur lieu d'origine, dans
l'Égéen, mais une forme autochtone s'était
développée et perfectionnée dans le Latium,
à quelques pas de leurs royaumes, avec lesquels les
Étrusques avaient érigés une «
barrière » de communication avec les Latins.
Nous avons
parlé de la richesse de l'agriculture. N'omettons pas la
pêche qui se pratiquait non seulement sur les mers, mais aussi
sur les lacs de Bolsena, de Bracciano et de Vico, où les
Étrusques acclimatèrent beaucoup de poissons d'eau
salée.
Les
forêts étaient très riches, mais les
Étrusques ne s’y comportaient pas très intelligemment. La
Toscane était occupée d'immenses forêts anciennes.
Elles furent pillées sans aucune retenue pour faire front aux
demandes de bois naval et domestique, il est encore aujourd'hui
possible de remarquer les effets de ces ravages aveugles auxquels
furent soumises les collines de l'Etrurie. Des riches forêts
célèbres dans l'antiquité il reste bien peu.
En ce qui
concerne par contre les ressources minières, au sud de la
province de la Livourne actuelle, et dans le territoire entre Volterra
et Massa Maritime, il reste encore aujourd'hui de nombreuses traces de
cette activité séculaire d'extractions minières.
Surtout à Populonia la "généreuse" et à
Elbe, où les mines de fer étaient inépuisables et
furent la source de l’industrie métallurgique qui donna aux
Étrusques sa puissance économique.
Cependant, un
vecteur essentiel de la diffusion de cette puissance économique
et commerciale était la flotte marchande, et encore plus, le
développement des routes. Cette dernière ambition
n’était pas facile dans une région accidentée. Ils
réussirent toutefois à construire un réseau diffus
et important. Loin cependant de la via romaine, la plupart sont
tracées sur la nue terre, et battues par le passage continu. Sur
ces routes les Étrusques circulaient avec des véhicules
grands et robustes à deux roues renforcées de cercles
métalliques. Les jours de pluie on peut imaginer ce qui pouvait
arriver, les sillions des lourdes roues labouraient la route…
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